Si, comme moi auparavant, vous pensez que la délégation est quelque chose de binaire (soit je fais, soit je délègue), alors cet article est fait pour vous.
J’ai découvert un modèle de délégation proposé par Jurgen Appelo dans le cadre du Management 3.0 il y a quelques années, et ce modèle m’a été très utile pour améliorer ma communication avec mes équipes, et donc augmenter mon efficacité et la leur.
Dans ce modèle (il en existe bien sûr d’autres), Jurgen nous propose 7 niveaux de délégation :
En plus de ces 7 niveaux, il est intéressant de prendre conscience :
- Que la délégation est un processus. Si on souhaite déléguer plus, il faut le faire de façon contrôlée et progressive : on ne peut pas passer d’un niveau 2 à un niveau 6 directement. Le passage d’un niveau au suivant se fait avec l’accord de l’équipe, et parfois nécessite la mise en place d’actions (ou de donner à l’équipe les moyens de prendre ce niveau de délégation). Par exemple, une équipe acceptera de passer du niveau « Accord » au niveau « Conseiller » pour faire les recrutements uniquement si la fiche de mission du poste à pourvoir a été systématiquement construite en amont avec le manager.
- Que la délégation est dépendante du contexte. Le niveau de délégation choisi aujourd’hui par l’équipe et son manager devra peut-être être revu demain. Il se peut aussi que l’équipe ait un niveau de délégation par défaut sur un sujet, mais que le manager se mette d’accord avec un de ses collaborateurs en particulier sur un autre niveau de délégation pour le même sujet. Par exemple, dans une équipe qui travaille en niveau 7 pour faire ses communications au reste de l’entreprise, un nouvel arrivant pourrait être mal à l’aise et va attendre de son manager qu’il le conseille pour ses premières communications (donc niveau 5).
- Que la délégation n’est pas forcément hiérarchique. Par exemple : un product owner qui a la responsabilité de prioriser la backlog peut vouloir se mettre d’accord avec l’équipe sur le niveau de délégation qu’il souhaite avoir avec l'équipe.
Comment utiliser ce modèle ?
Jouer un delegation poker
Si votre objectif est de faire comprendre le modèle, vous pouvez faire un serious game appelé « Delegation Poker ». Vous préparez des sujets, et vous donnez aux participants un jeu de carte avec les 7 niveaux de délégation. Chaque participant choisit en secret le niveau de délégation qui lui semble approprié, le groupe partage ensuite, et en cas de divergence de point de vue, discute du niveau de délégation approprié.
Des exemples de sujets :
« En tant que Scrum Master, je dois m’assurer que les cérémonies sont facilitées. »
« En tant que manager, je dois recruter un développeur pour mes équipes. »
« En tant que DG, je dois décider de la stratégie d’entreprise. »
Le jeu est joué pendant environ une demi-heure, ou jusqu'à ce que les équipes aient terminé 10 sujets.
Créer un delegation board
Pour créer un delegation board, le principe est le même que pour le delegation poker, sauf que vous allez utiliser des situations réelles et concrètes pour l’équipe.
L’objectif est ici un peu différent puisqu’il s’agit :
- De faire un constat du niveau de délégation attendu par l’équipe et par le manager sur les différents sujets.
- De se mettre d’accord sur le niveau de délégation souhaité aujourd’hui et éventuellement sur un niveau de délégation cible que vous souhaitez atteindre (et donc discuter de ce que vous pourriez mettre en place pour l’atteindre)
Voici les étapes à respecter pour animer cet atelier (en tant que manager ou membre de l’équipe) :
- Préparer des situations pour lesquelles vous souhaitez clarifier le niveau de délégation. Par exemple : le recrutement d’un nouveau collaborateur, l’établissement des objectifs annuels, le choix de la méthode de travail, etc. Préparer également 1 jeu de carte par membre de l’équipe (manager inclus).
- Présenter le modèle de délégation à l’équipe. Je vous conseille de prendre une ou deux situations à titre d’exemple pour illustrer (demander par exemple à l’équipe quel niveau de délégation leur parait approprié entre elle et le product owner pour ce qui concerne la priorisation des user stories)
- Pour chaque sujet que vous avez préparé :
- Chaque membre de l’équipe choisit une carte en secret
- Quand toutes les personnes ont pris leur décision, ils montrent la carte qu'ils ont choisie
- Les personnes échangent ensuite sur le choix qu’ils ont fait. Commencer par faire exprimer les extrêmes.
- Suite aux échanges, le groupe se met d’accord sur le niveau de délégation qu’il souhaite pour aujourd’hui et éventuellement pour plus tard. Cela peut nécessiter de choisir à nouveau une carte pour vérifier qu’on est bien aligné.
- Demander à l’équipe si elle souhaite ajouter et traiter d’autres sujets. Je recommande de poser cette question à l’équipe après avoir traité quelques sujets que vous aurez préparés.
Vous pourrez ensuite afficher ce delegation board près de l’équipe. En voici un exemple :
Conclusion
L’avantage premier de ce modèle est de clarifier les attentes respectives entre l’équipe et le manager (ou la personne qui délègue).
Mais c’est aussi un bon support pour amener une équipe de façon contrôlée vers plus d’autonomie.
Une fois le modèle partagé avec l’équipe, je vous conseille également de l’utiliser au quotidien :
- Pour vous poser la question du niveau de délégation que vous souhaitez à chaque fois qu’un nouveau sujet se présente à vous.
- Pour vérifier que l’équipe ou la personne qui vous délègue ou à qui vous déléguez, est à l’aise avec le niveau de délégation que vous souhaitez. En effet, il m’est arrivé, en tant que manager, de me rendre compte que mes équipes n’étaient pas prêtes à accepter certaines responsabilités alors que j’étais persuadée qu’elles voulaient être le plus autonome possible.
En bref : un outil précieux, à utiliser sans modération !
Les images proviennent de Management 3.0